Les conflits dans votre cabinet d’avocat ou dans votre étude, ça peut rapidement vous empoisonner la vie. Même lorsque vous n’en êtes que spectateurs !
Chez les professionnels du droit, les conflits au travail sont difficiles à résoudre, peut-être plus qu’ailleurs :
- L’ampleur de la charge de travail empêche de prendre du recul,
- La responsabilité pro et l’ampleur des objectifs à atteindre génère un stress permanent qui peut rendre moins tolérant,
- Il n’y a souvent pas de service RH,
- Encore moins de personnes formées au management .
Résultat, soit la tension monte, soit le dialogue est coupé. Dans tous les cas l’ambiance est pourrie, en outre on perd du temps et de l’argent !
A ma modeste mesure, mon ambition via HERMINE est de rendre plus doux l’exercice des professions du droit. Aussi, je vous partage mes conseils pour résoudre les conflits en cabinet et en étude.
01. Les six bienfaits des conflits en cabinet d’avocat
Pour ce premier conseil, il me tient à cœur de rappeler l’importance des conflits, que l’on travaille en cabinet d’avocat, en étude ou ailleurs..
Oui, le conflit pourrit l’ambiance.
Une ambiance électrique démotive tous les membres du groupe, pas seulement les protagonistes du conflit.
Enfin, les échanges stériles et le manque de fluidité dans la communication sont une perte d’argent, voire de dossier ou de client.
Mais quand il est bien géré, le conflit est nécessaire au bon fonctionnement d’une équipe :
- permet à chacun d’exprimer ses besoins,
- clarifie les règles du jeu,
- pose des règles de fonctionnement pour l’avenir,
- est l’occasion de vider son sac et de repartir sur des bases saines,
- permet de progresser individuellement et collectivement,
- soude le groupe et améliore la confiance mutuelle.
Les conflits ne doivent pas être tus ou évités, mais au contraire dégonflés dès leur naissance avant qu’ils ne détruisent le groupe.
02. Beaucoup de conflits naissent d’une volonté de changer l’autre
Pour espérer résoudre les conflits au travail, il faut d’abord comprendre une chose. Vous ne pourrez forcer personne à changer (même si vous êtes son manager).
Au mieux, la personne se pliera un temps à vos désirs, avant de claquer la porte faute de pouvoir exprimer son individualité. Au pire, le conflit s’envenimera jusqu’au point de non-retour. Votre interlocuteur se trouve très bien comme il est, et il ne va certainement pas changer d’avis pour vous !
Alors comment débloquer la situation?
1. Écoutez (réellement) votre interlocuteur
D’abord, ne pas se sentir entendu génère frustration et colère. Le point de vue de votre interlocuteur vous semble faux, mais il est aussi important que le vôtre. Alors écoutez ce qu’il dit vraiment, sans penser à autre chose et sans a priori.
2. Questionner son point de vue pour le clarifier
La plupart des conflits viennent de malentendus ou de non-dits, qui nourrissent l’imagination et les fantasmes. Vous avez un doute sur ce que l’autre veut dire ? Arrêtez la déduction, posez-lui la question !
3. Comprendre ses sentiments, ses besoins, ses inquiétudes
Votre interlocuteur n’est pas d’accord avec vous et se met en colère? C’est que l’enjeu du désaccord est important pour lui. Les conflits sont souvent générés par des peurs ou de la colère, qui peuvent être fréquents en cabinet d’avocat ou en étude !
Peut-être que votre interlocuteur a peur de perdre un client, de ne pas réaliser son budget, de perdre en crédibilité, en statut, en argent…
Questionnez : de quoi a-t-il besoin et comment est-ce compatible avec vous?
4. Accepter que l’autre ne va pas changer (et que c’est ok)
Vous pouvez essayer de lui faire comprendre votre propre point de vue. Peut-être se ralliera-t-il à votre cause… mais peut-être pas, et vous ne pouvez rien contre ça!
Arrêtez de dépenser votre l’énergie pour le faire changer d’avis. Elle sera mieux dépensée à tenter de trouver une solution constructive.
03. Dans une situation de conflits en cabinet d’avocat, méfiez-vous des biais cognitifs !
Dans une situation conflictuelle, il n’y a pas de vérité absolue, juste une différence de points de vue. Chaque personne a une histoire, des émotions, des besoins et un vécu qui l’amènent à avoir une perception unique de la réalité. Cette perception n’est ni meilleure ni pire que la votre.
Le résultat que vous cherchez à atteindre est d’ailleurs probablement le même : satisfaire un client, gagner un dossier, ne pas rentrer trop tard ce soir, assurer un avancement de carrière…
C’est plus souvent dans la manière d’y parvenir que les points de vue divergent.
La meilleure manière d’atteindre un résultat n’est pas nécessairement celle à laquelle vous auriez pensé en premier. Pourquoi? Car le cerveau humain fait inconsciemment des raccourcis pour nous permettre de prendre des décisions rapidement, en dépensant le moins d’énergie possible.
Ces raccourcis, appelés biais cognitifs, peuvent nuire à la pensée rationnelle en escamotant une partie de la réalité:
- l’effet de conformisme, qui pousse à se rallier à l’avis de la majorité pour éviter d’être exclu.e
- l’erreur fondamentale d’attribution, qui amène à surestimer l’impact de la personnalité et à sous estimer les faits extérieurs objectifs
- le biais de confirmation, qui pousse à ne prendre en considération que les éléments qui confirment notre point de vue et à ignorer les autres
- la croyance en un monde juste, qui amène à considérer que chacun mérite ce qu’il obtient
- l’illusion de transparence, où la tendance que l’on a à penser que les autres connaissent notre état mental, ou que l’on connaît celui des autres.
Je ne donne que cinq exemples, mais il en existe en réalité une centaine !
Soyez conscient.e.s de leur existence, et apprenez à les identifier chez les autres… et en vous-même ! Vous saurez prendre davantage de recul sur vos convictions, et sur la solution à apporter à une situation conflictuelle.
04. Les cinq stratégies face au conflit
Face à un conflit, cinq types de réactions sont possibles. En fonction de votre histoire et de votre éducation, vous optez spontanément pour une ou deux de ces stratégies.
1. L’évitement
Vous ignorez le sujet de désaccord et renoncez à traiter le problème par peur du conflit.
Efficace en l’absence d’enjeu ou lorsque les émotions sont trop fortes, pour y revenir plus tard.
Contre-productive si elle se transforme en stratégie de l’autruche !
2. L’imposition
Vous passez en force pour imposer votre solution, quitte à altérer vos relations avec l’autre.
Ça marche quand il faut agir vite sous peine de danger.
Ça ne marche plus quand votre interlocuteur ne se sent pas entendu, il le gardera contre vous.
3. L’accommodation
Vous mettez fin au conflit en acceptant la solution de l’autre – même si elle ne vous convient pas.
Cette réaction permet de préserver la relation à l’autre.
Elle ne permet pas de répondre à vos propres besoins et ne règle pas la source du conflit.
4. Le compromis
Vous négociez et marchandez pour trouver un accord à mi-chemin de ce que chacun souhaitait.
C’est rapide et efficace, surtout quand les ressources à partager sont limitées.
Mais comme tout le monde fait des concessions, personne n’est pleinement satisfait.
5. La collaboration
Vous recherchez une solution qui permette à tout le monde de sortir gagnant et de renforcer la relation en réduisant les tensions.
La solution trouvée conviendra à tous et préservera la relation à l’autre.
Mais cela demande du temps et de la créativité, pas toujours disponibles à l’instant T.
L’idéal? Pouvoir naviguer avec aisance entre ces différentes stratégies en fonction de l’enjeu, de vos besoins et des ressources disponibles.
Comment? En prenant conscience de ses modes de fonctionnement réflexes et en s’entraînant aux autres – surtout la collaboration qui n’a rien d’instinctif chez l’être humain.
05. Quid des tensions entre collaborateurs et associés?
La relation entre collaborateurs et managers peut être source de tensions. Et pour cause, ils ne regardent pas la vue depuis la même fenêtre.
« Il ne comprend rien »
« Elle a vendu cette procédure au client alors que les chances de succès sont nulles »
« Il ne m’écoute jamais »
« Elle ne se rend pas compte du temps que ça prend pour faire ça ! »
« Je lui ai demandé 100 fois mais rien ne change »
« On dirait qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut »
« Il ne sait pas gérer son stress »…
Ces phrases, je les ai entendues un grand nombre de fois. Je les ai prononcées. On les a probablement déjà dites de moi.
La communication manager / collaborateur est rarement fluide. La faute au lien de subordination (oui oui, même en collaboration libérale !), qui fait craindre des représailles. La faute aussi à l’illusion de transparence. En l’espèce, c’est l’illusion que le manager devrait tout connaître des problèmes et du quotidien de ses équipes sans qu’on ait besoin de lui en parler. Simplement parce que c’est le manager.
Certes, beaucoup de managers pourraient gagner à se mettre davantage à la place de leurs équipes pour améliorer leur performance et leur épanouissement. Mais personne n’a le don d’ubiquité. La personne la mieux placée pour connaître votre problème c’est vous-même.
Il est de la responsabilité des collaborateurs de montrer à leur hiérarchie la vue depuis leur fenêtre.
Comment concrètement ? Parler et écouter, c’est la seule manière de se comprendre.
Sources :
Méthode Thomas-Killmann
« Résolution de conflits », Didier Noyé, éd. Eyrolles, 2019, fiche n°12
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